Réf. : CAA Bordeaux, 7 juillet 2016, req. n°14BX02425
Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans le DCE, notamment parce qu’elle est incomplète, ou qui méconnaissent la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale.
Que se passe-t-il lorsque, faute d’avoir visité le site, un candidat ne produit pas dans son offre le certificat de visite, alors que le règlement de consultation prévoit une visite obligatoire du site et la remise par le candidat dudit certificat ?
L’offre peut-elle être examinée ou doit-elle être éliminée ?
Après avoir énoncé que « le règlement de la consultation d'un marché est obligatoire dans toutes ses mentions et [que] l'administration ne peut, dès lors, attribuer le marché à un candidat qui ne respecterait pas une des prescriptions imposées par ce règlement », la Cour administrative d’appel de Bordeaux apporte une atténuation en précisant que « toutefois, le pouvoir adjudicateur peut s'affranchir des exigences du règlement de la consultation quand la fourniture des éléments demandés ne présente pas d'utilité pour l'appréciation de l'offre ». Il appartient à la juridiction saisie d'une contestation du marché de rechercher si le défaut de production d'une pièce pouvait justifier le rejet de l'offre en prenant en compte l'utilité de cette pièce pour l'appréciation de l'offre.
Dans l’affaire jugée par la Cour, le candidat qui n’avait pas visité le site (et qui ne pouvait pas, par suite, produire dans son offre le certificat de visite, justifiait l’absence de visite par sa connaissance approfondie du site qu’il avait visité antérieurement dans le cadre d’une autre mission.
Par suite, l'irrégularité formelle de l'offre de la société n’a eu aucune incidence sur le contenu de cette offre et sur l’appréhension des besoins du pouvoir adjudicateur par le candidat, le pouvoir adjudicateur ayant bien pris soin de relever que l’offre était insuffisante sur ce point par rapport aux autres candidats (appréciation de la valeur de l’offre)
Si l’obligation de visite a pour seul objet de permettre au pouvoir adjudicateur de s’assurer que l’ensemble des candidats connaissaient le lieu d’exécution et les contraintes qui en découlaient, l’absence de visite du site et l’absence de récépissé ne fait pas obstacle à un examen de l’offre, s’il peut être prouvé que la société candidate avait connaissance des lieux et des besoins du pouvoir adjudicateur.
On comprend bien que la solution aurait été différente si l’acheteur n’avait pas eu la confirmation que le candidat connaissait bien les lieux. L’offre d’un candidat qui ne se rend pas à la visite obligatoire, alors qu’il ne connait pas les contraintes d’exploitation du site, de quelque manière que ce soit, devrait être qualifiée d’offre irrégulière et devrait être éliminée.
Recommandation aux acheteurs publics : en présence d’une offre incomplète (irrégulière), l’acheteur doit veiller à inviter le soumissionnaire à compléter son offre ou bien justifier l’absence de la pièce exigée par le règlement (dans le respect du principe d’égalité). Il lui appartient d’apprécier si l’absence de production de la pièce ou la justification apportée a une influence sur l’appréciation de l’offre. Le cas échéant, il veillera également à prendre en compte cette justification dans l’appréciation de la valeur de l’offre.
Rappelons que selon le décret n°2016-360 du 25 mars 2016 (art. 59) :
Dans les procédures d’appel d’offres et les procédures adaptées sans négociation, le principe est que les offres irrégulières (qui ne respectent les exigences DCE car incomplètes ou méconnait la législation), inappropriées (sans rapport avec le marché ou inacceptables (excède les crédits budgétaires) sont éliminées. Un aménagement est prévu (nouveauté) : l’acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires concernés à régulariser les offres irrégulières dans un délai approprié, à condition qu’elles ne soient pas normalement basses.
Il est donc interdit de demander à régulariser les offres inappropriées et les offres inacceptables.
Dans les autres procédures où une négociation est permise, le principe est que les offres inappropriées sont éliminées. En revanche, seules les offres irrégulières ou inacceptables peuvent devenir régulières ou acceptables à l’issue de la négociation ou du dialogue, à conditions qu’elles ne soient pas anormalement basses.
Lorsque la négociation ou le dialogue a pris fin, les offres qui demeurent irrégulières ou inacceptables sont éliminées. Toutefois, l’acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires concernés à régulariser les offres irrégulières dans un délai appropriés, à condition qu’elles ne soient pas anormalement basses.
Dans tous les cas, la régularisation des offres irrégulières ne peut pas avoir pour effet de modifier des caractéristiques essentielles des offres