Réf : CAA Marseille 12 avril 2021, Commune de Digne les Bains, req. n°18MA04362
La Cour administrative d’appel de Marseille revient sur les conditions d’indemnisation du cocontractant de l’Administration dont le contrat est entaché de nullité, sur le fondement de l’enrichissement sans cause, et plus particulièrement sur la date à laquelle doit s’apprécier, en cas d'abandon de projet, le caractère utile des dépenses, pour que l’Administration, fautive ou non, soit tenue de les rembourser.
Le cocontractant de l'administration dont le contrat est entaché de nullité peut formuler une demande d'indemnité fondée sur l'enrichissement sans cause qui serait résulté pour l'administration des études, travaux et autres prestations qu'il a exécutés et qui lui ont été utiles.
Ainsi, pour que la théorie de l’enrichissement sans cause trouve à s’appliquer, plusieurs conditions doivent, en principe, être remplies :
- l’absence de cause juridique : ici l’absence de contrat, car entaché de nullité
- un enrichissement du débiteur : les prestations doivent lui être utiles ;
- un appauvrissement du créancier ;
- l’existence d’un lien entre cet enrichissement et cet appauvrissement ;
Pour ouvrir droit à indemnisation, les prestations fournies par l’appauvri doivent avoir un caractère utile. Cette condition est indispensable pour que le juge octroie l’indemnisation au titre de l’enrichissement sans cause.
Lorsque, à la date où le juge statue, le projet, objet du contrat annulé, est par la suite abandonné par l’Administration, le cocontractant n’a pas droit à indemnisation sur ce fondement de responsabilité quasi-contractuelle : l’abandon de projet fait perdre le caractère utile des dépenses engagées par le cocontractant.
Exception : sauf si l’abandon de projet est justifié par des considérations révélées par les études réalisées par le cocontractant.
« Le cocontractant de l'administration dont le contrat est entaché de nullité peut, ainsi qu'il vient d'être dit, formuler une demande d'indemnité fondée sur l'enrichissement sans cause qui serait résulté pour l'administration des études, travaux et autres prestations qu'il a exécutés. En ce cas, il est fondé à réclamer le remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à l'administration. Si la consistance des prestations fournies s'évalue au moment où elles ont été exécutées, leur utilité pour l'administration doit être appréciée par le juge administratif à la date à laquelle il statue, en tenant compte éventuellement de l'évolution des travaux ou du projet depuis leur exécution. Par suite, l'abandon du projet faisant directement l'objet des prestations fournies est de nature à priver les dépenses engagées par le cocontractant de toute utilité pour l'administration, à l'exception du cas où cet abandon est justifié par des difficultés révélées par ces études. La circonstance que cet abandon serait motivé par des considérations étrangères à l'intérêt général, si elle est susceptible le cas échéant d'engager la responsabilité de la collectivité sur le terrain de la faute, est sans incidence sur l'absence de droit à indemnité du cocontractant au titre de l'enrichissement sans cause. De même, est sans incidence le fait que ces dépenses aient été engagées en vue d'assurer une complète exécution du contrat déclaré nul. »
En cas d’abandon de projet qui ne serait pas justifié par des difficultés révélées par les études réalisées par le cocontractant, celui-ci ne sera pas sans indemnité, si la nullité du contrat est imputable à une faute de l’administration. Dans ce cas, sur le terrain de la responsabilité quasi-délictuelle cette fois ci (faute + préjudice + lien de causalité), il peut prétendre à être indemnisé des préjudices résultant de la nullité du contrat, sous réserve de l’existence d’une faute pouvant lui être reproché (appréciée au regard de la nature de l’illégalité, et de son expérience), venant diminuer son droit à réparation (partage de responsabilité).
Fanny MICHEL