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Distinction accord de médiation et transaction – Critères respectifs de contrôle de l’homologation

 Réf. CAA Bordeaux, Plén., 30 décembre 2019, req. n°19BX03235

Cette décision, rendue en formation plénière par la CAA de Bordeaux, mérite d’être remarquée à plusieurs égards car elle rappelle la distinction entre un accord de médiation et une transaction et énonce les critères de contrôle du juge saisi d’une demande d’homologation qui confère la force exécutoire pour permettre le recours à un huissier de justice afin de procéder à l'exécution forcée à travers une saisie.

 Une métropole a confié à un groupement conjoint, constitué par les sociétés R., mandataire solidaire, E., F., S., B…, le marché de construction d’un pont pour un montant global de 69 874 690 euros HT. L'ordre de service marquant le démarrage du délai global de 32 mois et de la période de préparation de trois mois a été émis à effet du 1er septembre 2017. Consécutivement à la découverte, en novembre 2017, d'un phénomène naturel d'affouillement susceptible de perturber la construction des piles du pont, le groupement a demandé à la métropole une prolongation du délai d'exécution de 19 mois et un complément de rémunération de 18 488 494,02 euros pour la mise en place d'un dispositif de protection des batardeaux au moyen de gabions. Après le rejet de cette demande par la métropole, cet établissement public et la société R. ont, conjointement, demandé en juin 2018 au président du TA de désigner un médiateur afin de résoudre ce différend. Le 5 mars 2019, à l'issue du processus de médiation, un avenant n° 1 au marché a été conclu entre les parties.

La métropole, la société R, en sa qualité de mandataire du groupement en charge des travaux, et la société B. demandent à la cour d'annuler le jugement par lequel le TA a refusé d'homologuer cet accord.

Après avoir cité les dispositions des articles L. 213-1, L. 213-3 et L. 213-4 du CJA ainsi que l’article 2044 du Code civil, la CAA de Bordeaux souligne qu’ « il résulte de ces dispositions, combinées avec celles des articles 6 et 2052 du code civil, que l'administration, peut, ainsi que le rappelle désormais l'article L. 423-1 du code des relations entre le public et l'administration, légalement conclure avec un ou des particuliers un protocole transactionnel afin de prévenir ou d'éteindre un litige, sous réserve de la licéité de l'objet de ce dernier, de l'existence de concessions réciproques et équilibrées entre les parties et du respect de l'ordre public ».

En outre, « Lorsque le juge est saisi d'une demande d'homologation d'un accord de médiation, il lui appartient d'appliquer les dispositions du code de justice administrative propres à ce type d'accord en s'assurant de l'accord de volonté des parties, de ce que celles-ci n'ont pas porté atteinte à des droits dont elles n'auraient pas eu la libre disposition et de ce que l'accord ne contrevient pas à l'ordre public ni n'accorde de libéralité. Les dispositions de l'article L. 213-1 du code de justice administrative n'imposent pas aux parties de conclure une médiation par une transaction au sens de l'article 2044 du code civil. Toutefois, lorsqu'il est saisi d'une demande d'homologation d'une transaction concrétisant un accord de médiation, le juge doit encore examiner si celle-ci répond aux exigences fixées par le code civil et par le code des relations entre le public et l'administration ».

Pour l’homologation d’un accord de médiation, le contrôle du juge porte sur :

  • La signature de l’accord par une autorité compétente ;
  • La vérification du consentement des parties ;
  • L’absence d’atteinte à des droits des parties ;
  • Le respect de l’ordre public ;
  • L’absence de libéralité.

Pour une transaction, le juge d'appel précise les critères de contrôle de l'homologation :

  • La signature de la transaction par une autorité compétente ;
  • La vérification du consentement des parties ;
  • La licéité de l'objet de la transaction ; 
  • Le respect de l’ordre public ;
  • La présence de concessions réciproques ;
  • et l'absence de caractère manifestement déséquilibré de la transaction au détriment de l’une ou l’autre partie.

Si une de ces conditions n'est pas remplie, la non-homologation entraîne la nullité de l’accord de médiation ou de la transaction.

S’agissant du contrôle de la règle d’ordre public selon laquelle la personne publique ne peut pas accorder des libéralités (c’est-à-dire payer une somme qu'elle ne doit pas : CE section, 19 mars 1971, sieurs Mergui, Rec. p. 235, conclusions Rougevin-Baville), le juge administratif vérifie que les prétentions contre l'administration, qui ont servi de base à la négociation, sont fondées. S'il estime que tel n’est pas le cas, il soulève d'office ce moyen, pour écarter l'application de l'accord intervenu.

Ainsi, par exemple, lorsque l'administration transige pour régler un litige où sa responsabilité est mise en cause, elle ne peut accorder une indemnité que si sa responsabilité est établie et pour les seuls chefs de préjudice indemnisables. En d’autres termes, ce qui est d'ordre public, ce n'est pas une éventuelle exagération de l'indemnité supérieure au préjudice subi, à moins que la disproportion ne soit telle que la prétendue transaction ne devienne une libéralité, mais l’existence d’une obligation. En revanche, il y a atteinte à l’ordre public si tout ou partie des sommes allouées correspond à un préjudice ou à un chef de préjudice qui n'existe pas ou qui n'engage pas la responsabilité de la puissance publique. La jurisprudence interdit ainsi les libéralités mais elle ne prive pas les parties de la marge d'appréciation qui peut s'avérer nécessaire pour conclure la transaction (Circulaire 6 avril 2011 relative développement du recours à la transaction pour régler amiablement les conflits).

On rappellera que aux termes de l’article 2048 du code civil : « Les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s’entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu ».

 

Écrit par : Fmichel

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